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Ainsi j’entrais doucement dans la vie conjugale. Valentine m’en avait si bien aplani le seuil, que je savais à peine si j’avais quitté mon enfance. Mon mari n’était à mes yeux que le remplaçant de ma tante, un maître sans sévérité et seulement un peu grognon. Les jeux me semblaient à peine différents ; les plaisirs n’avaient de la nouveauté que ce qui en est supportable. Valentine m’avait ménagé en tout des transitions heureuses. Aussi quand elle me demanda sa récompense, je ne la lui marchandai point ; mon mari était riche. Je lui prêtai — donnai serait le mot véritable — tout ce qu’elle réclama, bien que son insistance m’eut fait oublier ses services. Maintenant je respirais à pleines narines le bonheur, la liberté, la richesse. J’interrogeais sans désir, mais dans une attente délicieuse les yeux et le vêtement des hommes. J’avais le pressentiment que ma première petite âme ne s’était point déchirée avec ma chair de vierge et qu’il faudrait la passion pour l’anéantir et la remplacer. Elle devait venir, mais ses joies sont graves, ses jouissances tristes, elle ne divertit ni