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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/100

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garçons, à cause de ces marques ignominieuses, ne vinssent à se moquer de moi, je me dépêchai, pendant que tout était encore tranquille, de gagner la chaussée et de me vêtir. Mais comme j’allais reprendre mon pourpoint, je fus tout à coup saisie par derrière, aux hanches, je sentis un baiser m’engluer l’épaule, deux bras m’enserrer étroitement, tandis qu’un ventre, une chair monstrueuse se pressaient contre mon corps. Folle d’effroi, je me retourne et quelle n’est pas ma stupeur en reconnaissant Arrivabene, — un Arrivabene à la bouche humide, aux yeux fixes, avec des dents souriantes encore et déjà prêtes à mordre. Il me dit d’une voix haletante :

— Laisse-moi… Nichi… je ne te ferai pas de mal… et je te recommanderai à Monseigneur, je te recommand…

Je lui donnai en travers de la mâchoire un tel coup de poing que je crois bien lui avoir cassé deux ou trois dents. De douleur il me lâche, et moi, faisant une volte-face inattendue qui manque de le précipiter dans le canal, je remonte l’escalier à demi-nue et me sauve dans une petite cour dépendant d’une verrerie pour remettre les vêtements que j’ai pu emporter. À peine ai-je commencé de m’habiller que mon coquin apparaît, fier comme un podestat. Sa robe troussée laissait voir toute la vigueur de son désir, et je le regardais venir avec admiration et épouvante. Mais comme il se croyait sûr de la victoire, la frayeur et l’orgueil me rendirent ingénieuse. J’eus l’air de l’attendre, vaincue, résignée d’avance à mon sort, et, au moment où, d’un élan brusque, les mains tendues, il arrivait sur moi, je me jetai vivement de côté de telle sorte que, rencontrant le vide où il comptait sur un appui, il perdit l’équilibre et s’étala par terre, en même temps que je sortais de la cour et m’échappais