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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/101

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au plus vite. Déjà, me croyant sauvée, j’allais ralentir le pas, quand j’aperçois le moine au détour d’une rue. Je crie de toutes mes forces, demandant prompte assistance, et je reprends ma course. À mes appels, quelques personnes se montrent sur le seuil des portes ; d’autres se mettent à notre poursuite. Je fuyais Arrivabene, mais Arrivabene ne songeait plus lui-même qu’à fuir. La troupe de ceux qui étaient à nos trousses grossissait peu à peu. Ces gens qui, d’abord, ignoraient pourquoi ils s’étaient dérangés, commençaient à découvrir la raison de leurs mouvements.

— C’est une fille sacrilège, dit un homme derrière moi. (Ce qui, par hasard, était vrai.)

Un autre, dont l’avis bientôt prévalut, lança cette affirmation :

— C’est un moine qui a violé une fille.

Et aussitôt tous se déclarèrent contre Arrivabene.

— Sus au moine ! Sus au penaillon ! Sus ! Sus !

Une seule voix persistait à m’accuser.

— Empoignez-moi cette coquine, faisait-elle, rossez-la d’importance !

Réunis par une frayeur commune de la foule qui ne discerne guère l’innocent du coupable, nous ne nous évitions plus, mais nous essayions, l’un et l’autre, de dérober à la multitude nos personnes, soit en nous sauvant dans une église, soit en gagnant une de ces cours à double issue où se serait égarée la poursuite.

Je ne sais comment je parvins au Palais Benzoni presque en même temps qu’Arivabene. Tous deux, hors d’haleine, nous nous heurtâmes contre l’abbé Coccone qui, du choc, chancela et fût tombé à la renverse, s’il ne s’était retenu à un pilier.

Il était temps d’arriver. La foule envahissait l’escalier extérieur et même les plus hardis des coureurs allaient pénétrer dans le palais, quand Arrivabene