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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/103

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domestiques allemands et espagnols, lui aliénaient le peuple. De nombreuses aumônes n’avaient pu désarmer l’envie. On accusait le cardinal de vices honteux. Cette fois encore, on était prêt à charger le maître du crime de son serviteur, et on saisissait le premier prétexte pour manifester une haine qui, loin de s’affaiblir, se fortifiait avec les années.

— Quel scandale ! dit l’abbé Coccone. Et comment la Providence a-t-elle pu égarer un homme tel que moi, sage et ami de l’ordre, en ce vestibule de l’Enfer !

Au dehors, des hommes frappaient du pied et criaient :

— Le fro-card ! Le fro-card ! Le fro-card !

À ce moment, le cardinal descendit dans le vestibule. Il se récitait des vers en s’éventant d’un voile de Smyrne :

Le délicieux piège
Que je tendais m’a pris
Et soudain m’a fait mettre
En défiance de l’Amour…

— Eh bien ! monseigneur, dit Coccone, vous voyez la belle besogne de vos animaux.

— Quoi donc ? que se passe-t-il ? demanda le cardinal qui parut tout surpris du tumulte.

L’abbé, en deux mots, lui apprit l’aventure.

Aussitôt le cardinal donna l’ordre à un domestique d’aller, par le grand canal, chercher le bargello avec les gardes ; il réclama lui-même son épée et fit prendre les armes à toute sa maison.

Les clameurs devenaient de plus en plus menaçantes.