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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/116

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SECONDE PARTIE

L’APPRENTISSAGE D’AMOUREUSE


Les bateliers faisaient force de rames et j’éprouvais une contraction de tout mon être à voir que nous laissions la Piazzetta, Saint-Marc et cette Venise qui m’était chère comme l’est une telle patrie. Un instant, je crus que nous allions à Murano et l’idée de ses beaux jardins m’enchanta ; mais je m’aperçus bientôt que nous prenions une route toute différente. Voyant des barques chargées de monde revenir de Chioggia, où il y avait un pèlerinage, et craignant d’être reconnu, l’abbé Coccone ordonna de quitter la lagune et de gagner la haute mer. Déjà les nuages voilaient le soleil couchant, l’ombre s’étendait sur les vagues qui, soulevées par le vent, se gonflaient et m’inondaient d’écume. Alors une pensée fixe et terrifiante s’empara de mon esprit. Le cardinal et l’abbé, me dis-je, ont comploté de me noyer : c’est dans ce dessein qu’on me conduit en pleine mer. Devenue soudain hardie, je me jette aux pieds de Coccone.