Aller au contenu

Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les rappeler. Moi, j’ai toujours raconté à mon ami que j’étais la veuve d’un provéditeur.

— Et le croyait-il ?

— Certainement, du moins à ses heures de tendresse !

Nichina qui entendit, je crois, ces observations, redressa la tête et s’écria :

— Il ne faut pas regarder d’où l’on part, mais où l’on arrive. Qu’importe que je l’aie perdu avec un portefaix ou avec le Doge ! Quand on a le pied bien tourné, on a beau avoir buté d’abord, on suit tout de même sa route et l’on s’avance vers la fortune en faisant la nique au destin.

— Nichina, dites-moi, reprit la Petanera, à quoi vous a servi votre médaille ?

— Mais, à ne pas être prise par un Maure. L’homme qui m’a eue, grâces au ciel, si laid qu’il fut, était un Vénitien de Venise.

Nichina demeura quelques instants recueillie, puis, secouant la tête, elle continua son récit :

À présent je ris à tous ces souvenirs, mais comme je souffris dans mon corps, dans mon orgueil, sous cette brute violente et armée comme un âne !

Lorsque la vieille vint le lendemain me trouver, j’étais seule dans la chambre qu’éclairait un jour sombre et pluvieux. Elle me tendit un demi-écu :

— Votre homme a été généreux, dit-elle : il faut l’être à votre tour.

Je lui rendis la pièce et, sans écouter ses remer-