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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/139

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Docile à mes ordres, elle se sauvait, en cachant ses larmes.

Elle ne faisait que me rendre plus douloureuse la privation de ces violences, préférables à toutes caresses, quand elles viennent du maître que nous avons choisi.

Cependant, de mes nouveaux soucis naissaient des plaisirs que je n’avais point soupçonnés. L’obligation d’avoir le corps bien tenu, la mise soignée, le visage riant, la parole vive et légère, avait créé pour moi des habitudes aisées, et les habitudes, un divertissement. Je ne songeais qu’à varier mes toilettes. Avec ce que je gagnais à la sueur de mon corps, je n’y suffisais pas. Il me fallait sans cesse de nouveaux costumes, et, chaque fois, de plus somptueux. Devant le miroir j’oubliais Guido. Mon cœur battait avec force quand, au dîner de la comtesse, entourée des plus élégants gentilshommes de Venise, je surprenais tous les regards attachés sur moi ; au contraire, je pleurais de dépit, je rêvais de me retirer dans un couvent, si, au milieu des amants de mes rivales, je n’avais point reçu tous les hommages que j’attendais. Le baiser des hommes m’était odieux et j’avais besoin de leur admiration.

La comtesse modérait mon ardeur de parure.

— À votre âge, disait-elle, la simplicité est plus séduisante. Faites croire à votre innocence le plus longtemps que vous pourrez. Une toilette trop luxueuse révélerait que vous n’êtes plus une jeune fille, en ayant perdu la modestie.

Ainsi portait-elle tous mes bijoux, sous prétexte qu’ils ne convenaient pas à mon extrême jeunesse.

À chaque instant, elle était prête à nous offrir le bénéfice de sa longue expérience. Elle se laissait ouvrir à volonté comme une boîte pleine de recettes