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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/140

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précieuses, pouvant servir en toutes occasions. Dans les longues après-midi, après avoir dirigé le travail des servantes, elle ne dédaignait pas, tout en jouant aux dés, de nous enseigner l’art de vider les bourses.

— Je suppose, Nichina, disait-elle, qu’un homme vous lance pour la première fois le regard féroce de la possession. S’il vous prend pour une fille malheureuse, mais sage, gardez-vous bien de le détromper. Ne vous livrez point ; laissez-le prolonger indéfiniment son adoration et sans lui réclamer seulement un quattrino. Puis, quand vous vous êtes attiré sa confiance, jouez le grand coup ; rougissez vos yeux de façon que vous ayez l’air d’avoir pleuré depuis au moins vingt-quatre heures. Alors, vous arrivez chez lui et d’une voix entrecoupée de sanglots : « Mon bon seigneur, papa vient de mourir ; nous sommes sans pain, maman et mes cinq petits frères. Je n’ose venir vous trouver, et pourtant, mon bon seigneur, je ne connais que vous. » Rien ne flatte plus Priape que de mêler des larmes à ses épanchements. Ces larmes le sanctifient. Quand il a pleuré sur une jolie fille dont la vue gonfle sa braguette, elle est sauvée ; elle tient la forte somme et n’a plus qu’à s’en aller planter son camp ailleurs.

— Sans lui rien accorder ?

— Sans lui rien accorder. Sachez-le bien, ma chère enfant, on ne conserve l’amour d’un homme qu’en le traitant avec le fouet et le bâton. Plus vous vous conduisez mal avec lui, plus il vous est dévoué. Un bien dont il est difficile de tirer profit, par exemple, vous ne le croiriez jamais, c’est le prodigue, cet être qui a envie d’acheter tout ce qui s’offre à ses yeux, qui ne refuse jamais un quémandeur, qui, chaque soir, aux dés ou aux cartes, s’en va jouer sa fortune. Il faut, sous un prétexte ou un autre, lui retourner ses poches