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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/166

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menton, et les mains noircies au foyer, je rencontrai le marquis de Gonzague qui, à me voir ainsi faite, laissa tomber sa canne d’étonnement.

— Vous voyez bien, monseigneur, que je suis occupée : revenez demain.

Lorsque Michele aperçut les victuailles :

— Ah ! ah ! ah ! s’écria-t-il en ouvrant des yeux larges comme les verrières d’une cathédrale, oh ! oh ! oh ! comme vous êtes bonne !

Et, en quelques instants, il eut vidé, torché de sa langue les assiettes.

Je revins lui porter le gâteau :

— J’espère, docteur, que maintenant vous avez rassasié votre faim et que vous allez pouvoir me donner une excellente leçon.

Mais les bras étendus, la tête contre la table, Michele des Étoiles dormait, accablé de lassitude. Alors, je me sentis émue de pitié pour ce pauvre être et je mis un baiser sur sa chevelure poudreuse en pensant que c’était peut-être le premier qu’on lui donnait.

La comtesse et Cecca furent scandalisées. Cecca, toute rageuse, se croisa les bras et, se plantant devant moi, me regarda fixement.

— Eh bien ! on peut dire que tu en as une conduite !

— Ah ! ma pauvre fille, ajouta Morosina sur un mode plaintif, je ne sais ce qu’il adviendra de vous, mais si vous continuez de la sorte, je crains bien que vous ne finissiez sur la paille.

Je suffoquais de colère.

— Vous allez me flanquer la paix, répliquai-je : voici assez longtemps que vous me ratissez le poil de vos randonnées.

Elles sortirent avec des mines d’enterrement et en levant les yeux au ciel.