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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/216

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Mais, dès qu’il fut sorti, je me couvris le visage d’un voile sombre et je m’élançai derrière lui.

J’allai de la sorte jusqu’à la place Saint-Eustache où une grande foule était rassemblée autour de l’équipage de chasse du cardinal. Les domestiques et les officiers de la maison se croisaient et se heurtaient avec des révérences peureuses ou des insultes. Les chiens, accouplés, attendaient, la langue pendante et assis sur leur derrière, le moment du départ. Au piaffement d’un cheval, au pas précipité d’un valet, ils haletaient plus vite, sautaient en l’air et lançaient vers le ciel un aboiement de colère, changé aussitôt en une plainte hurlante par le fouet des veneurs. On embarqua les mulets qui devaient transporter les bagages et les paniers à faucon. Au milieu de cette multitude, je perdis de vue Fasol, et je le cherchais encore quand j’aperçus au loin, sur le grand canal, la gondole du cardinal, couverte d’une tente écarlate, qui s’éloignait lentement. Craignant de manquer le départ, je m’élançai aussitôt dans une barque.

— Où allez-vous ? me demanda l’un des rameurs.

— Je suis mon mari qui est officier de Monseigneur, répondis-je.

L’homme n’osa rien objecter, mais il me considéra de haut en bas comme si ma mise et mon voile ne lui disaient rien qui vaille. À ce moment, le signal fut donné, les cors retentirent, les faucons dans leurs cages d’osier battirent des ailes, les chevaux s’ébrouèrent, un chien jappa, éveillant un chœur de voix enrouées, de rauques appels, et j’eus la joie d’entendre les rames, d’un même coup, tomber sur l’eau, tandis que je sentais la barque glisser vers la gondole du cardinal.

Mes regards ne quittent pas la tente fermée car, je me l’imagine, l’âme qui fait vivre la mienne est là, vouée peut-être à une exécrable servitude. Je cherche