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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/217

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à activer les bateliers ; je maudis leur lenteur : je voudrais si ardemment rejoindre la gondole, soulever le voile de la tente, dussé-je, à ce qui s’offrirait à mes yeux, tomber anéantie de douleur !

Mais la distance qui nous sépare est de plus en plus grande et, quand la gondole aborde enfin, je n’arrive pas à distinguer le cardinal ni personne de sa suite.

Comme je débarquais moi-même, j’aperçus Fasol auquel un écuyer amenait un cheval. Je courus à lui et, me découvrant, je me plantai sur son passage, les mains aux hanches, avec un air de bravade et des clignements d’yeux moqueurs.

— Tu vois : J’ai beau n’être encore qu’une petite fille, je puis cependant voyager seule.

— Chienne ! cria-t-il, je vais te faire passer ta rage.

Et il levait déjà sur moi son fouet de chasse lorsqu’un officier du palais lui arrêta le bras en lui disant que le cardinal venait de notre côté. Toute frémissante de colère et de honte, je rabattis mon voile.

Benzoni s’arrêta devant moi. Je fus étonné qu’il ne portât point, ainsi qu’il en avait coutume, un vêtement noir à la mode des gentilshommes vénitiens, mais qu’il eût revêtu sa robe de cardinal comme pour une fête.

— Oh ! Oh ! messer Fasol, commença-t-il, vous êtes donc toujours en bonne fortune ?

— Si c’est une bonne fortune, monseigneur, d’avoir attaché à ses pas une enfant obstinée, indocile et méchante.

— Vous n’êtes pas galant pour vos belles amies, Fasol, dit le cardinal. Au lieu de tenir ces propos sur une dame qui mérite, j’en suis sûr, toute notre admiration, vous devriez lui chercher une monture