— Donato, tu mens sans le savoir. L’âme passionnée ressemble à une harpe qui n’est point avare de ses harmonies et dont tout doigt musicien peut émouvoir les cordes. Aime, et un enfant, une femme, un dieu feront aussi bien vibrer ton âme. Et puisque tu n’appelles pas l’Amour de ton nom, tu peux l’appeler de tous les autres. Sans que tu t’en doutes, ou plutôt sans que tu veuilles le reconnaître, j’ai été ta Cattina ; la petite marquise Paola pourra bien l’être à son tour un moment. D’ailleurs, en cette circonstance, il ne s’agit pas d’aimer, mais d’être un mâle ; et, si je me rappelle tes caresses, si seulement je te regarde, Donato, si je considère ta barbe noire et tes yeux de feu, il me semble que ce rôle te convient davantage que celui d’amoureux transi. Et puis ne dois-tu pas songer à la fortune de ta fiancée ?
— Et si l’on m’arrête ?
— Tâche de ne l’être qu’à la fin de la comédie : tu n’auras rien à craindre. Car je serai ton geôlier et tu t’évaderas de prison les poches pleines d’or… Allons, tu pars ce soir, n’est-ce pas ?
— Je suis décidé. Je pars. Mais comment sortirai-je du couvent ?
— Tu vas aller te cacher dans ma chambre. Quand la nuit sera complètement venue, tu descendras par la fenêtre qui donne sur la campagne.
— C’est entendu. Seulement, j’aimerais, pour me donner du cœur, à recevoir dès ce soir un encouragement.
J’entendis un tintement d’or ; un pas s’éloigna dans le couloir, puis, à demi-voix, le cardinal s’entretint avec un homme à la parole lente et grave.
— Vous le suivrez partout, dit-il, et s’il n’exécute pas mes ordres, vous savez ce que vous aurez à faire.
Je n’avais plus envie de dormir, mais tremblante