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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/236

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il n’est pas de jour où le père Romuald ne les entende se plaindre de moi. Ils vont, à mon insu, lui accuser ma tiédeur, mon manque de piété, mes fautes contre la règle. Aussi le supérieur me traite-t-il comme un esclave ; j’ai épuisé toutes les pénitences. Et pourtant il faut que je reste, parce que Cattina ne veut pas vivre avec un défroqué, que moi-même, si je me sauve, je suis obligé de fuir bien loin d’ici et que je redoute d’arracher mon amie à une famille dans l’aisance pour l’emmener vivre sans argent dans un pays inconnu.

— Mais, quand je t’aurai donné de l’or, ne peux-tu lui mentir ? Tu n’auras plus peur de l’existence, j’espère ? Tu ne réponds rien. Hésiterais-tu encore ?

— Oui ! il en coûte trop cher d’obtenir vos faveurs.

— Réfléchis bien, tu as en main ta destinée. Ne peux-tu faire, par intérêt, ce que tu as déjà fait par jalousie ? Ce n’est pas l’audace qui te manque et tu as montré que la mort d’un être ne t’épouvantait pas.

— Vous avez raison, je n’ai pas plus souci de l’existence des autres que l’on n’a eu souci de la mienne : et je ne suis pas troublé quand vous me dites de tuer un homme, mais plutôt quand vous m’ordonnez de prendre de force une jeune fille : il me semble impossible de trahir ma Cattina.

— Voilà bien des scrupules ! Et ne l’as-tu pas déjà trahie pour mon plaisir ?

— Avec vous ! Est-ce que je pensais à ce que je faisais !

— Je me souviens pourtant de certains soirs d’été où tes lèvres et tes mains furent si caressantes, où je vis tes yeux briller de bonheur ! Est-ce que tu songeais à ta femme ?

— Peut-être. Du moins, c’est à cause d’elle, que mon corps est devenu votre jouet. Mais mon âme ni ma chair ne vous ont aimé.