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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/449

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« Nichina, écrivait-il, je suis innocent de la mort de Guido. C’est ton amour, ce sont tes imprudences qui l’ont tué. Ne m’accuse pas d’un crime que je n’ai pas commis. Tu me frappes, et moi je ne puis m’empêcher de t’aimer. »

Cette lettre m’atterra.

En pensant que j’avais causé la mort de mon ami, ma douleur s’aviva encore et je remplis la maison de mes gémissements. Je m’en allais de chambre en chambre, heurtant la tête contre la muraille, me plaisant à me faire du mal, voulant et toutefois n’osant pas en finir avec l’existence.

Il fallut me résigner à l’ensevelir, et ce fut un moment atroce quand je vis le cercueil entrer dans sa chambre. Je restais agenouillée devant ce lit où Guido avait souffert, où nous nous étions aimés ; je songeais à toutes ces journées de peine, d’espoir et de joie, et il me semblait qu’avec sa pauvre dépouille, c’était ma vie qu’on allait emporter.

J’allai chercher toutes les roses des rosiers qui se trouvaient au fond du jardin, à l’endroit où nous nous étions embrassés le premier jour et j’en remplis le cercueil. Mais, comme je baisais mon bien-aimé une dernière fois, ne pouvant me décider à l’abandonner à la terre, j’entendis un grand bruit dans la maison et le bargello entra, en même temps que plusieurs hommes de police.

— Que voulez-vous ? demandai-je.

— Nous venons chercher le corps.

Il me montrait l’ordre du Conseil des Dix qui réclamait le cadavre de Guido pour le faire examiner.

— D’abord il n’a pas été empoisonné, repris-je, et puis, qu’il l’ait été ou non, ça ne vous regarde pas, c’est mon affaire ! Vous n’avez pas besoin de lui. Mon