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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/451

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Il me crut folle.

— Ma chère enfant, dit-il, vous êtes malade. Il est nuit. Dormez, nous verrons plus tard ce qu’il faudra faire.

Le lendemain, bien que je fusse très souffrante, je partis avec le médecin qui consentit à m’accompagner. À peine arrivée, j’essayai de savoir des nouvelles par les amis de Fasol, mais, quand ils ne l’attaquaient point franchement, ils n’osaient pas se prononcer en sa faveur. Ils paraissaient d’ailleurs ne rien savoir de ce qui se passait.

Nous ne pûmes obtenir aucune grâce. On refusa d’entendre notre déposition, de même qu’on refusa de nous livrer le corps de Guido, de nous dire s’il était enseveli et en quel endroit. J’appris seulement que l’accusateur de Fasol devant le Conseil des Dix s’appelait Volonta. Comme, devant un ami, j’exprimais mon intention d’aller voir cet homme :

— Il ne vous accordera rien, fit-il. Volonta est insensible aux grâces d’une femme ; il possède, il est vrai, de nombreux enfants, mais il les doit à la générosité de ses voisins.

— Mais quel homme est-ce donc ? demandai-je.

— C’est le fils d’un batelier et d’une cuisinière. Cette femme a décidé un sénateur, dont elle était la maîtresse, à le reconnaître pour son enfant, et c’est ainsi que ce misérable, qui n’a pas une goutte de sang noble dans les veines, qui n’a reçu aucune éducation, qui n’est pas vénitien, qui n’est même pas homme ! se trouve au Conseil des Dix et jouit d’une haute autorité dans la République. Tant l’ignorance et la grossièreté ont de valeur, aujourd’hui que frère Martino de Calabre appelle la populace l’élue de Dieu et, aux derniers des êtres, assure les premiers rangs !

— Alors, vous n’espérez pas qu’il sauvera Fasol ?