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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/452

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— Je suis sûr, au contraire, me répondit-on, qu’il fera tout ce qu’il lui sera possible pour le perdre. Il a contre lui toute la haine du rustre pour le génie.

Le jour où devait se rendre le jugement, je me souvins du moyen qu’employa l’anglais Craddock pour pénétrer au Conseil, et, avec quelques pièces d’or, je me fis conduire jusqu’à une petite lucarne, d’où j’assistai à la séance.

Le Doge, ses conseillers et les dix sénateurs prirent place devant une table, tandis que des gardes amenaient Fasol. Je fus étonnée du changement qui s’était produit dans toute sa personne : ses yeux semblaient s’être voilés, sa barbe et ses beaux cheveux noirs étaient devenus blancs, et cet homme vigoureux, ardent, plein de puissance et de vivacité, n’avait plus que des mouvements fatigués et lents comme s’il eût, en quelques jours, perdu toute sa force.

Volonta qui était un petit avorton pâle et fluet, sans rien de saillant dans la physionomie que des yeux encadrés de rouge, féroces et fixes comme ceux des oiseaux de proie, exposa le crime d’une voix bégayante, tantôt précipitant et tantôt traînant ses phrases. Il demanda pour l’accusé les plus terribles châtiments.

Le vote eut lieu aussitôt et, dès qu’il fut terminé, Volonta prononça la sentence :

Fasol, à la majorité des voix, était condamné aux galères.

Je fus prise d’un tremblement, lorsque Fasol, entraîné par les zaffi, s’en alla, les yeux vagues, l’air indifférent. Je pensai que la raison l’avait abandonné.

Volonta crut qu’avant de lever la séance, il n’était pas inopportun d’adresser un discours à ses collègues, et ce fut ainsi qu’il leur parla :

— Puisse cette condamnation servir d’exemple à