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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/455

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Je finis par me croire malade. On alla chercher un médecin de Padoue, messer Cornelio Griffo, qui était l’ami de Vesale et qu’on regardait comme un des plus savants docteurs de la région. C’était un homme à la fois calme et empressé. Comme il courait toujours, il n’avait le temps de s’étonner de rien. Après lui avoir révélé mon état, je m’écriai tout à coup :

— Docteur, il me semble que je suis un monstre.

— D’où vous vient cette idée ?

— Je souffre tant que je dois être une grande criminelle.

— Où souffrez-vous ?

— J’ai le cœur malade.

— Vous mangez, vous digérez bien ? Montrez votre langue. Découvrez-vous un peu. C’est parfait. Vous êtes une fort saine et fort belle personne. Et vous n’avez pas à vous occuper de votre cœur.

Il allait se retirer lorsque, sentant une vive démangeaison, je levai ma chemise et laissai voir ma jambe.

— Oh ! oh ! qu’avez-vous là ? dit Griffo qui revint vers moi.

— Rien, docteur ; c’est une piqûre de zanzaire.

— C’est très grave. Il y a cinquante ans, mon grand père a vu mourir une femme qui avait été piquée, comme vous, par un moustique. Nous n’avons pas une minute à perdre : il faut vous couper la jambe.

— Docteur, j’aimerais mieux mourir que de me laisser faire.

— Je vois que vous avez encore les préjugés de la foule. Pourtant l’opération est bien simple, je vous assure. Et vous vous portez ensuite à merveille. Tenez, je reviendrai demain avec de beaux instruments tout neufs.

— C’est cela, revenez demain : seulement on ne vous recevra pas.