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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/457

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compliments ; et je pensai que le bon Dieu ne m’en voudrait plus une fois que j’aurais reçu à ma table l’un de ses représentants. Pourtant, j’eus quelque ennui, en regardant le prêtre, de voir qu’il avait une loupe, le ventre proéminent et la soutane grasse.

Dans ces jours-là, Michele des Étoiles vint me demander l’aumône en habits d’une extrême élégance. Je fus étonnée qu’il eût la bourse si plate et le corps si bien paré.

— J’ai mis, dit-il, toutes mes économies à m’acheter un costume, car on ne donne point aux pauvres honteux.

— Savez-vous, repris-je, que vous n’avez pas trop mauvais air avec votre chapeau à plumes ?

Alors, me coulant un regard à me prendre l’âme :

— Voulez-vous que nous allions au fond de votre jardin, dans la charmille ? nous nous verrons plus à l’aise.

Je ne sais si c’était la chaleur, le soleil, ou d’avoir beaucoup pleuré, mais j’éprouvai un grand bien-être à m’étendre avec lui sur la mousse. Son enthousiasme me fit oublier sa laideur.

— Ne prétendiez-vous pas autrefois, lui dis-je durant l’un de ses intermèdes, que seule l’union des âmes avait quelque importance ?

Il me répliqua :

— Je le croyais, en effet, au temps où je pensais avec l’École. À présent je me moque de ma philosophie ancienne, quoiqu’elle m’ait bien été utile. Car, voyez, Nichina, combien ma chasteté de jadis m’a conservé de vigueur. Le véritable avantage de la philosophie, c’est de garder les corps intacts pour