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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/466

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— Comment ! le Doge ! le Doge est ici ?

— Oui, dans le jardin, avec toute une suite. Il demande si vous êtes couchée.

— Que le diable l’emporte ! s’écria Nichina. Ne pouvait-il me laisser tranquille cette nuit ! Je vais bien le recevoir : il peut s’y attendre !

Puis, s’adressant à nous :

— Vous, mes moines, vous m’obligerez en déguerpissant au plus vite. Il ferait une belle figure s’il vous rencontrait ! Et j’ai encore besoin de ses ducats, vous savez.

— Nichina, dit Arrivabene, vous n’allez pas nous envoyer dehors par un temps pareil : écoutez la pluie.

On eût dit que la mer se déversait dans le jardin.

— Qu’il pleuve ou qu’il vente, je m’en bats les flancs. Allons, partez vite, et tâchez surtout qu’il ne vous aperçoive pas.

Comme nous prenions congé à la hâte de notre hôtesse :

— Et toi, maman, criait-elle, tu travailles quand il n’y a rien à faire, et tu restes à te croiser les bras quand nous sommes accablés d’ouvrage !

— Mais qu’y a-t-il donc, ma fille ? demanda Madame Francesca Ferro, qui restait tranquillement assise sous cet orage de paroles qu’elle ne soupçonnait même pas.

— Le Doge ! On te répète que le Doge est ici ! Veux-tu te dépêcher à préparer sa chambre ! Je vais te flanquer la fessée si tu ne veux pas te lever !

— Ah ! ma fille, que tu es de mauvaise humeur ce soir, s’écria madame Francesca en se retirant avec majesté.

Nous partîmes au milieu d’un va-et-vient de robes envolées, d’un déménagement de meubles et de coffres qu’on descendait à la hâte, d’une bousculade