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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/470

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amant de cette Carlona qui prétend qu’un homme, du jour ou il la connaît, ne peut plus souffrir d’autre femme. Je lui apprendrai demain combien elle se trompe, et elle aura une belle fureur.

— Ah ! m’écriai-je, est-ce donc cela seulement qui vous rend heureuse !

Cependant je ressentais une grande joie à l’idée que Carlona pouvait ne pas être morte, car si Polissena possède quelque grâce, la beauté de Carlona est d’une splendeur qui efface toutes les autres.

Aux premières lueurs de l’aube, Arrivabene était sur pied. Il avait passé la nuit à se lamenter sur sa solitude et à tenter d’y remédier « en mangeant son pain, comme il disait, à l’odeur du rôti ». Il réveilla brutalement Polissena. À peine avait-elle les yeux ouverts :

— Ma dette, payez-moi ma dette, répétait-il.

— Vous êtes le plus insupportable des moines, répliqua Polissena.

Elle se résignait pourtant au sacrifice, lorsque, se ravisant tout à coup :

— Tenez, dit-elle, j’ai un jeu de cartes. Faisons une partie. Si je perds, vous aurez tout de moi : le corps et l’argent.

Arrivabene accepta la proposition, mais Polissena eut beau demander plusieurs fois sa revanche, elle perdit toujours. À la fin, de rage, elle donna une grande claque au moine, et, se relevant avec vivacité, elle sortit du pavillon. Arrivabene la regarda s’éloigner avec une tranquillité souriante.

— As-tu vu, dit-il, comme je l’ai battue ? Je triche si bien au jeu que Polissena, elle-même, malgré toute sa défiance et sa ruse, ne réussit pas à s’en apercevoir. Vois, elle revient ; je savais bien qu’elle tiendrait parole.