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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/477

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Ce latin l’impressionne. L’autre jour, deux matelots avaient des plaies à la jambe, je la leur ai coupée. Par malheur, ils en sont morts. Comme Schifkat me faisait mauvaise figure, je lui ai dit qu’il donnait trop à manger à ses hommes, et que cet excès de nourriture avait compromis mon opération : il m’a rendu sa confiance. Désormais, je puis exercer mon art sans crainte de perdre ma réputation. Aussi, j’y mets tout mon zèle. Je ne pense plus aux personnes ; je ne songe qu’à la science. C’est bien intéressant, je t’assure, de considérer l’humanité comme de la chair à découper.

— Enfin, tout cela n’empêche pas que tu sois un renégat.

— Ah ! s’écria-t-il en me quittant, où est la vraie religion ?

J’étais encore tout troublé de cette étrange rencontre, lorsque j’en fis une, plus bizarre encore. Je poussai un cri de terreur en voyant s’avancer vers moi ma victime, la Carlona ! Elle avait, comme par le passé, la même démarche fière, élégante et assurée, la taille élancée sur de vastes hanches, ainsi que ses joues roses de fillette et son doux regard bleu d’enfant capricieuse et naïve. Elle portait une collerette fine, ouverte sur sa gorge, et une robe légère et chatoyante lui dessinait la jambe à la façon des Levantines. Sa grâce, sa beauté, son costume excitaient l’envie de toutes les femmes. Un homme lui donnait le bras d’un air de complaisance furieuse et imposée. J’eus peur un moment, que ce ne fussent des fantômes qui, jugeant mes remords trop faibles, venaient en accroître l’énergie, et déjà j’étais prêt à leur demander grâce quand Carlona laissa éclater son large rire de tudesque.

— Oh ! ce costume, dit-elle.