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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/478

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Son compagnon se permit alors de lui adresser ses remontrances à demi-voix.

— Toi ! laisse-moi tranquille, et va boire ton malvoisie.

Elle prit, dans son escarcelle, un scudo et le remit à l’homme, qui s’éloigna.

— Mon mari, dit-elle.

— Mes compliments.

— Je ne m’attendais plus à te voir, mon pauvre Lorenzo.

— Ni moi non plus, Carlona. Tu m’as pardonné, n’est-ce pas ?

— C’est-à-dire que si je t’avais eu sous la main, le soir de l’aventure, je t’arrangeais proprement le visage.

— Et à présent ?

— À présent, j’ai oublié que je t’en voulais.

— Au fond, c’est une preuve de grand amour que je t’ai donnée là.

— Une preuve froide, tout au moins.

— Mais comment t’en es-tu tirée ?

— C’est toute une histoire ; je te raconterai cela : les gondoliers assistaient à ton exécution et nous ont repêchés de suite. Nous n’avons pas eu le temps de nous noyer. Tu ne sais pas t’y prendre ! tu ferais bien, vois-tu, une autre fois, de te faire donner quelques leçons, avant d’assassiner ta maîtresse.

J’étais ivre de joie d’avoir retrouvé Carlona. Mais, me dis-je, puisque je ne suis pas assassin, on n’a point confisqué ma fortune ; et, puisque je n’ai pas prononcé mes vœux, il sera facile de laisser quelque part ma robe de moine. Tous les biens m’étaient rendus à la fois. Seul, le pendant que Carlona venait de donner à sa beauté m’affligeait fort. Je ne le lui cachai point. La charmante fille me rassura elle-même.