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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/481

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— C’est, me dit-elle d’un air négligent, le compte de ce que je dois à ce petit maroufle, pour les robes qu’il m’a vendues le mois dernier.

— Ciel ! Carlona, m’écriai-je, après avoir jeté les yeux sur le parchemin. Est-ce ton mari qui va payer tout cela ?

— Tu m’aideras bien un peu, n’est-ce pas, mon Lorenzino, fit-elle d’un ton doucement implorateur, en levant les yeux sur moi.

— Un peu seulement. Et j’ajoutai : Voilà une fâcheuse rentrée en ménage !

Elle reprit sur un ton aigre :

— Je savais bien que vous n’aviez point l’âme généreuse. D’ailleurs cette note est exagérée.

Puis se tournant vers le jeune marchand :

— On te donnera la moitié de ce que tu demandes. Quant au reste, tu m’en tiendras quitte, et je dirai cinq Pater et cinq Ave pour ta conversion.

— Oh ! madame, envoyez-moi au paradis, si vous le désirez, après ma mort, mais laissez-moi premièrement faire mes affaires en ce monde. Parce que vous êtes jolie, ce n’est pas une raison pour me ruiner. Déjà, par égard pour votre gentillesse, je me résigne à ne tirer qu’un profit dérisoire des marchandises que je vous livre. Que diriez-vous donc si je vous vendais une robe aussi cher qu’à Madame Nichina, c’est-à-dire le double de ce que je vous la compte.

— Comment ! s’écria mon amie, tu vends plus cher à Nichina, et pourquoi ?

— Il le faut bien : elle a autrefois volé mon père.

— Qui es-tu donc ? demandai-je au jeune marchand.

— Je suis le fils de Moïse Buonvicino qui, Il y a quelques années, dirigea la Banque de la Foi.

— C’est étonnant, repris-je. D’après ce que m’avait raconté Nichina, j’aurais cru que ton père ne pouvait pas fabriquer d’enfants.