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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Elle se faisait un divertissement, ou même une arme, de ces colères qu’elle savait fugitives, dont elle humiliait ensuite Tallien, et qui le lui rendait plus soumis, plus attaché. Alors, semblable aux femmes qui n’ont point à compter avec l’amour, elle sacrifiait ses adorateurs à sa fortune.

Un matin qu’elle était encore couchée, goûtant ces voluptés de paresse qui sont si chères aux créoles et aux méridionales, on lui apporta une lettre qui longtemps la secoua de rires et la remplit d’une gaieté enfantine. Bien que Thérésia eût le style emphatique et contourné dès qu’elle se mêlait d’écrire, les manières prétentieuses de son correspondant ne l’en amusèrent pas moins à l’excès. La tête renversée sur l’oreiller, ayant peine à contenir son rire :

— Tiens, regarde-moi cela, dit-elle à Tallien qui travaillait près de son lit, et elle lui tendit l’épître d’un geste nonchalant, au bout de son bras nu.

« Jamais l’Innocence, écrivait-on, entre autres compliments, n’a décoré un front plus pur que le vôtre ; il rendrait l’Amour muet, et glacerait jusqu’au Désir, si votre bouche mutine, formée par les Grâces, en inspirant l’admiration, ne laissait croire aussi que les paroles sensibles et pitoyables lui conviennent mieux que les cruelles… »

— Hein ! s’écria Thérésia, tu ne m’en as jamais écrit de pareilles !

— L’insolent, murmurait Tallien.