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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Des bruits étranges se répandirent. Sa fiancée était morte, assassinée, disait-on, par une femme.

Dubousquens ne revenait pourtant pas seul ainsi qu’il l’avait laissé soupçonner. Parmi ses domestiques il ramenait une jeune fille noire, trop belle pour n’être qu’une servante. Elle semblait réunir en sa personne comme la séduction de deux races. Elle avait les traits fins, les cheveux souples et soyeux, les formes élancées, je ne sais quelle grâce légère, tout européenne ; et aussi de ces grands yeux vagues qui s’endorment ou s’illuminent sans qu’on devine pourquoi ; une vie tour à tour somnolente et furieuse, mais ne se trahissant que par l’ardeur des gestes, le mouvement d’un sein qui s’offre, d’une croupe qui ondule, des bonds d’animal lubrique. C’est du moins ce qu’avaient rapporté les rares personnes qui l’avaient entrevue sur le navire, ou, en passant, par une fenêtre entr’ouverte. On ne pouvait l’approcher davantage. Dès son arrivée à Bordeaux, Dubousquens l’avait pour ainsi dire cloîtrée dans son hôtel de la Porte du Palais, dont les vastes jardins étaient défendus de toutes curiosités par d’épais ombrages. Deux vieux domestiques anglais, et ne connaissant que leur langue natale, tout dévoués à leur maître, devaient la servir et la garder. Si tranquille et peu fréquentée que fût la rue où donnait l’hôtel, il n’était point permis à la jeune noire de s’y montrer. Pourtant, quelquefois, elle apparaissait un instant au balcon. On ne l’avait jamais surprise à causer, ni même à dire un seul mot à personne, mais elle lançait de