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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


on me jette une échelle de corde que tient le marinier et d’où je manque de tomber dans la mer. Cependant on me hisse tant bien que mal. Le capitaine descend du pont, vient au devant de moi.

— Monsieur, lui dis-je, je tiens absolument à voir M. Dubousquens avant son départ. N’est-il pas ici ?

— Il n’est pas encore ici, madame, me répondit-il, mais il doit s’embarquer cette nuit avec sa jeune femme.

Il appuya sur les derniers mots comme s’il se doutait, à mon air égaré, quel intérêt me faisait tenir à les rencontrer.

— Je les attends, dis-je.

Vainement voulut-il me détourner de mon projet. Il alléguait que seuls les passagers pouvaient rester sur le navire. C’était une règle qu’il devait observer, surtout à la veille d’un départ.

— Eh bien ! dis-je, inscrivez-moi parmi vos passagers. Je pars avec vous.

Et je payai le marinier qui m’avait conduite et qui retourna au port. Il eût fallu me jeter à la mer pour me faire quitter le Duquesne.

Dans la crainte de manquer leur arrivée, au lieu de me retirer dans ma cabine, je restais sur le pont, attendant toujours Dubousquens et Antoinette, en proie à une atroce inquiétude.

Comme les lumières du Cap s’éteignaient et que la ville semblait s’endormir, j’aperçus du côté des Ingas et au-dessus du faubourg des Milices une lueur vive grandir sur le ciel.