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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

— Mon Dieu ! Mon Dieu ! disais-je, sauvez mon Antoinette.

— Vous partez aussi, madame, dit le docteur Chiron. Je vous approuve. Votre sagesse pour être tardive, n’en est pas moins utile. Si on n’a plus que le bout du nez à sauver, c’est toujours cela !

Une petite barque à ce moment sortit du port et s’approcha du Duquesne à force de rames. Mais déjà le capitaine, effrayé de l’ardeur de l’incendie que l’on ressentait jusque sur la mer, et des flammèches innombrables que le vent chassait du rivage, redoutait pour son navire, chargé de tonnes de tafia et de toutes sortes de combustibles. Bien que l’on ne dût d’abord partir que le lendemain, il ordonna de lever l’ancre et de mettre à la voile.

Cependant la petite barque vint, au risque de chavirer, se heurter contre nous. Deux hommes conduisaient l’embarcation. On leur jeta une corde et ils montèrent jusqu’à nous. Quelle fut mon émotion quand je reconnus Zozo et Troussot. Je me précipitai vers eux et leur prenant la main, j’attendais avec angoisse leurs premières paroles.

— Ah ! maîtresse, dit Zozo, quel malheur ! Figeroux arrivé avec le cancre (il voulait dire le quaker) ; tout brûlé, tout massacré aux Ingas. Nous avons pu sauver ceci.

Il me remit un lourd coffret et s’affaissa.

— Mais Antoinette, dis-je sans me soucier de sa défaillance, parlez donc, voyons ! Antoinette, où est-