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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


je vous prie, ne me cachez rien et aimez-moi un peu. Si vous saviez comme je vous aime moi-même et quel malheur ce serait pour moi de vous quitter. Je n’ai que vous au monde.

Elle avait, tandis que je l’étreignais, des yeux étonnés, puis indifférents ; elle est si neuve, si ignorante de la vie, me disais-je d’abord, elle ne peut deviner toutes les exigences de l’amitié ! et pourtant cette froideur me devint infiniment douloureuse. Tout à coup j’eus honte de moi-même, je m’en voulus d’étreindre ce petit corps frais et intact, avec ces mains encore souillées d’attouchements bêtes et inutiles. Et je la quittai en pleurant, blessée de la trouver si insensible.

Je souffrais à cause d’elle et elle ne le savait même pas ! À un amant impitoyable, j’aurais du moins l’ivresse d’avouer mon sacrifice. Elle ne pouvait me comprendre.

Zinga me rejoignit au moment où j’allais m’étendre sur mon lit.

Maîtress, pa veni, pimigno Letang. (Maîtresse, c’est inutile que je vienne, puisque tu aimes mieux la Létang.)

Je ne lui ai pas répondu, mais je crains d’irriter sa jalousie. Je tenais cette misérable par les caresses. Ah ! comme j’ai été dupe aujourd’hui, et dans quel piège grossier suis-je tombée !

Oui je le vois bien à présent : malgré ce que Mme de Létang m’a conté sur Montouroy, elle l’aime toujours ; persuadée qu’Antoinette est riche, elle espère me détacher de mon enfant et la décider à se réfu-