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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


en se dirigeant vers la porte. J’essayais vainement de le retenir.

— Je vois, dit-il, qu’il faut unir le temple à la sacristie. Si cela vous amuse d’être la passerelle, madame, grand bien vous fasse !

— Allons, docteur, m’écriai-je, sans prendre garde à ses paroles, vous ne partez pas… Enfin, quand vous reverra-t-on ?

— Quand vous serez malade, madame, bien malade !

Et il descendit l’escalier de la galerie avec le bruit et la rapidité d’une avalanche.

Samuel Goring détourna vers lui son regard inquiet, craignant que son départ ne fût une fausse sortie ; puis, les yeux baissés, d’une voix criarde qui avait le son d’une clef rouillée dans une vieille serrure :

— Je vous apporte, mes sœurs, une nouvelle bien réjouissante. La société des Amis des Noirs vient d’achever sa grande œuvre. L’Assemblée nationale s’est rendue aux conseils de la raison et de la vertu. Elle est, m’écrit-on de France, sur le point de promulguer ce décret attendu depuis si longtemps, qui doit assurer à nos frères de couleur la liberté et les droits politiques. Enfin la nature fait entendre sa voix !

— M. Goring, dit avec malice Mme de Létang, défend les noirs avec tant d’éloquence que je le soupçonne fort d’avoir donné son cœur à l’une de ces belles dames d’ébène, dont les lèvres ont des baisers, m’a-t-on dit, paradisiaques.