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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

— Il ne s’agit point de voluptés criminelles, s’écria Goring, mais des vertus de nos frères. Eux seuls sont animés de ces grands principes de justice que la nature inspire. Et je vous le déclare : je serais plus fier d’avoir pour épouse une chaste mulâtresse, que l’une de ces femmes blanches dont les paroles ne sont que des mensonges, et les moindres gestes un hommage au vice et à l’impudeur.

— Bravo ! s’écria Mme Du Plantier.

— Le révérend, vous le savez, ajouta Mme de Létang, ne nous gâte point de confitures. Mais j’aime cette vérité, moi ! Ça m’aiguillonne.

— Je ne parle pas pour faire plaisir, mais pour enseigner la vérité.

— Cette fois pourtant, observa l’abbé, j’ai peur que vous ne vous abusiez. J’ai entendu parler aussi, moi, du décret prochain de l’Assemblée nationale, ce ne sera sans doute pas celui que vous attendez. On a l’intention, paraît-il, de laisser aux colons de couleur qui sont libres, les droits de citoyens actifs, mais sous la réserve que les assemblées particulières des colonies fixeront elles-mêmes les conditions d’éligibilité. Or…

— Or, comme ces assemblées sont composées d’aristocrates…

— De blancs !…

— Vous espérez que jamais elles n’accorderont les droits demandés ?

— J’en ai peur.

— Alors nous nous passerons des assemblées colo-