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sur un voyage au tibet.

plusieurs députations auprès du dernier Tichou Lama, et qui, après l’avoir accompagné autrefois à la cour de Pékin[1], est depuis peu de retour du Tibet. Je me suis procuré la relation du voyagé qu’il vient de faire, et les autres renseignemens qu’il a pu me donner concernant les pays qu’il a vus ; et je vous demande la permission de vous en faire part.

Au commencement de l’année dernière, Pourounguyr reçut de M. Hastings, un peu avant que ce dernier partît du Bengale, des dépêches adressées au Tichou Lama et au régent de Tichou-Loumbou ; il fit aussitôt les préparatifs du voyage lointain auquel il s’étoit engagé. Ce soin l’occupa jusqu’aux premiers jours de mars, où j’eus l’honneur de vous le présenter, pour qu’il obtînt l’ordre de son départ : il se mit en route à Calcutta. Dès le commencement d’avril, il avoit, à ce qu’il raconte, passé les limites des provinces de la Compagnie, et pénétré dans les montagnes qui composent le royaume de Boutan. Là, continuant sa marche, il reçut des sujets du Daïb[2] râdjah les services les plus étendus et les plus volontaires, jusqu’aux frontières de ce royaume : il ne rencontra d’ailleurs aucun obstacle jusqu’à son arrivée sur les frontières du Tibet. Il y fut retenu environ quinze jours par des neiges abondantes qui durèrent six jours sans

  1. Lorsque le dernier empereur de la Chine (Kien-long), très-mécontent de l’accueil amical que les Anglois avoient reçu au Tibet, invita d’une manière à-peu-près impérative et força très-poliment le Tichou Lama, que nos missionnaires appellent Pan-tchan Lama Erteni, à faire le voyage de Pékin, la crainte de la petite vérole, ou peut-être d’un poison encore plus sûr, étoit le principal motif qui inspiroit au Tichou Lama une grande répugnance pour ce long voyage. En effet, peu de temps après son arrivée dans la capitale de la Chine, l’âme du dieu voyageur, suivant leur expression, changea de demeure. Elle retourna donc au Tibet habiter le corps d’un très-jeune enfant, à qui M. Turner eut l’honneur d’être présenté. On a lieu aussi de soupçonner qu’Erténi fut empoisonné par ordre de l’empereur de la Chine. Voyez la relation de cet événement remarquable, arrivé dans le cours de l’année 1779 (et non 1780, comme l’a cru le C.en Castera), dans la Relation de l’ambassade au Tibet, par M. Turner, appendix, n° iv, p. 457-473 de l’édit. angloise, et t. II, p. 297-329, de la traduction française ; et dans deux lettres curieuses de M. Amiot, insérées dans les Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, &c. de la Chine, t. IX, p. 6 et 446-454. (L-s.)
  2. Ce mot est écrit Daib dans l’édition de Calcutta, et Daeb dans la Relation même