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Deuxième Partie.

pourtant, et enfin le passage se montre ; puis nouveaux doutes, nouvelle issue, et bientôt l’on ne marche plus pour avancer, mais seulement pour le plaisir de dénouer la perpétuelle énigme de la route. ^. >

D’une côté c’est la satisfaction intellectuelle qu’on sent en méditant sur les grands problèmes, de l’autre côté la crainte de perdre Dieu de vue et l’espoir de distinguer un rayon de la lumière divine, qui ne laissent jamais l’esprit persan en repos.

Et il n’arrive que trop souvent, que l’idée de l’inutilité de nos efforts vient tuer la joie intellectuelle. Chez les Persans comme chez les Arabes, la réflexion prend la couleur d’un pessimisme monotone. L’incompatibilité de Dieu avec le mal, l’impuissance de l’homme vis-à-vis le destin inexorable, la prédestination d’une part de Thumanité à l’enfer, voilà quelques-unes des questions terribles qui torturaient l’orient comme un cauchemar.

Ni murgites, ni qadarites, ni

mu’tazilites n’ont pu adoucir le fatalisme triste et désespérant. La vie est courte, et l’homme est fail :)le, la révolution du

temps nous a placés sans armes sur la route de caravane de la vie (Riidagî). La mort nous arrache ceux que nous aimons, et bientôt nous serons, nous-mêmes, rejetés dans l’inconnu sans comprendre, pourquoi nous avons reçu la vie. «Comment puis-je passer mon temps en joie, sachant que la mort est parmi mes créanciers ?» (Abii-l -’Alâ.) Viens et dis, quel profit Parvïz a tiré du sort. Va et demande ce que Husrau a obtenu de la vie.

S’il a acquis des royaumes, il a dû les laisser à d’autres, et s’il a amassé des trésors, il a dû les laisser à d’autres. (Firdausï, Sitz. d . kônigl. bayr. Akad. 1872 p. 301.) Si les hommes passent leur vie en joie, c’est qu’ils sont aveugles.

«Nous rions, mais notre rire est un signe de notre sottise : il serait juste, si les habitants de la terre pleuraient.» (Abn-l -’Alâ.) Aussi le vrai sage pleure-t -il le monde et la vie Sahid, l’ami de Rûdagï dit :

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Gobineau : Les Religions et les Philosopbies p. 3 —4.