Page:Reclus - Étude sur les dunes, 1865.djvu/25

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cumulation de ses débris, une couche végétale où les grands arbres peuvent croître spontanément.

S’il n’en était pas ainsi, il serait difficile de comprendre comment toutes les dunes de l’Europe étaient anciennement couvertes de forêts. D’après le témoignage unanime des anciens géographes, les bois s’étendaient jusqu’au bord de la mer dans ces plaines qui sont aujourd’hui les Pays-Bas[1]. Ni le grand géographe Strabon, ni Pline l’encyclopédiste, ni aucun autre écrivain de l’antiquité ne mentionne l’existence de collines poussées par le vent, bien que ce phénomène eût été certainement de nature à les frapper. Les Bataves, les Angles, les Frisons, n’avaient dans leurs idiomes aucun mot spécial pour désigner un monticule de sable mouvant ; de même, nous le savons, les Gaulois appliquaient indifféremment le mot dam à toutes les hauteurs. Sous un grand nombre de dunes de la Gascogne on découvre des troncs de chênes, de pins et d’autres essences, engloutis dans le sable au-dessus de l’ancien niveau des landes. Bien plus, quelques dunes portent encore des bois magnifiques, qui comptent au moins plusieurs siècles d’existence et qui n’ont probablement pas été plantés par l’homme. Non loin d’Arcachon, on peut s’égarer dans une forêt où se dressent des pins gigantesques, sans rivaux en France, et des chênes mesurant 12 mètres de tour. Des titres de 1332 parlent aussi de forêts qui recouvraient les dunes, et où les seigneurs de Lesparre allaient en joyeuse compagnie chasser le cerf, le sanglier, le chevreuil. Enfin

  1. Staring, Voormals en Thans.