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Page:Reclus - Amis et compagnons, 1906.djvu/11

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donne une bonne digestion. Rappelez-vous ce chant de nos vieux révolutionnaires : « Que faut-il aux républicains ? Du pain, et puis du plomb, et du pain pour nos frères ! »

Et comment obtenir ce droit, comment conquérir ce pain ? Il va sans dire, mes amis, que des bénisseurs nous attendent ici. Ce droit, ce pain, mais les parlementaires nous les donneront à coups d’amendements, de votes, de scrutins publics et secrets ! Ne savez-vous pas qu’on prépare la construction d’un magnifique Palais de la Paix universelle et éternelle ? Oui, vous le savez amplement, et vous n’ignorez pas quel est le fondateur de ce palais mirifique, le tzar, pour ne pas le nommer, et quel est le milliardaire, Carnegie, qui fournira les fonds pour les granits et marbres, pour les bois précieux, les soies et les velours des chambres où paraderont les pacificateurs du monde. Mais leurs noms ne nous éblouissent pas. D’avance nous pouvons prédire ce qui sortira de ce temple de la paix. Des traités entre gouvernements pour assurer l’ordre, pour rendre la servitude douce aux opprimés et le manque de pain agréable aux faméliques.

Encore un édifice qu’il serait inutile de bâtir parce qu’il sera démoli. Ce qui se passera, l’histoire récente nous l’enseigne victorieusement. L’Internationale naissante nous a dit que « l’émancipation des Travailleurs se fera par les travailleurs eux-mêmes ». L’émancipation des peuples se fera par l’action révolutionnaire des peuples enfin débarrassés de leurs Bergers. Les événements qui se passent actuellement en Russie nous aideront à le comprendre. Les ouvriers qui souffrent ne processionneront plus en suppliant vers le Palais d’Hiver.

Élisée Reclus.