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Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/97

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À Élie Reclus.


Sans date. De la plantation Fortier frères, près la N.-Orléans.

Je t’envoie 24 livres ; mais il m’a fallu près de quinze jours de négociations pour avoir la traite. Avec ces 24 livres, tâche de faire ce que tu pourras : payer quelque dette, quelques sous aux marmots, que sais-je ? Moi, je ne puis rien envoyer directement à la maison, de sorte que, s’il y a lieu, cela t’incombe de fait et de droit. Mon avis est que tu leur envoies quelque chose si possible ; puis, au bout de deux ou trois mois, je leur enverrai un crocodile empaillé et quelques autres saugrenuités de ce genre qui feront à la maman autant de plaisir qu’une centaine d’écus…

Tu juges bien les États-Unis, mais pas avec assez de sévérité. C’est une grande salle d’encan où tout se vend, les esclaves et le propriétaire par dessus le marché, les votes et l’honneur, la Bible et les consciences. Tout appartient au plus fort enchérisseur. Mais comme l’esprit doit avoir une pâture quelconque, ils le nourrissent avec de la blague, et tout d’un coup leur esprit se trouve bien plus enrichi que celui des pauvres ignares qui se croient obligés d’apprendre pour savoir, puisqu’il suffit de savoir le nom d’une chose pour en déblatérer.