Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
FRANCE.

mènent l’eau des lacs obscurs à la vague lueur du puits du Dormant. Mais à l’endroit où les talus s’écartent, de grands bouillons s’élèvent au-dessus de la nappe indolente et versent sur elle toute une rivière.

Près du Dormant, et moins puissant que lui, s’agite le Bouillant, profond de 12 mètres. À sa naissance même, un moulin lui verse le cristal de la Lèche, troisième fontaine de la Touvre assez semblable au Bouillon du Loiret. Après une centaine de mètres dans un large lit tellement obstrué de joncs et d’herbes qu’on le prendrait pour une prairie marécageuse quand les herbes sont hautes, quand les eaux sont basses, il s’unit au Dormant, qui est le vrai « père » de la Touvre. Les trois sources donnent moyennement 20 mètres cubes par seconde, magnifique tribut d’un bassin d’environ 1 400 000 hectares.

La Touvre n’a que 10 kilomètres. Large de 100 à 200 mètres à l’aval de la rencontre du Bouillant et du Dormant, elle se rétrécit bientôt à 50. Ce fleuve à l’urne intarissable, cette onde pure, bruyante et joyeuse marche d’usine en usine ; elle donne l’âme à de grandes papeteries, à la fonderie de canons de Ruelle, et s’unit à la Charente, plus faible qu’elle, mais plus pure en été, par 30 mètres environ d’altitude.

La Charente a dès lors toute sa grandeur. Le plus souvent profonde et tranquille, elle coule devant Jarnac, puis devant Cognac, petite cité, mais les eaux-de-vie de sa Champagne lui ont valu un renom fameux du Pôle à l’Équateur, une fortune inouïe dont le phylloxéra menace de tarir la source. Elle traverse ensuite la ville qui a donné son nom au pays de Saintonge, Saintes, où Rome a laissé quelques débris.

D’Angoulême à Saintes elle reçoit la Boëme, le Né et la Seugne. — La Boëme n’est qu’un ruisseau de 25 kilomètres ; mais, semblable à d’autres courants clairs de ce beau pays, elle fait marcher de grandes papeteries. — Le Né (70 kilomètres) côtoie les collines qui donnent ou qui donnaient les eaux-de-vie de Salles, de Genté, de