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GÉOGRAPHIE.

Gimeux, les meilleures du monde. — La Seugne, littérairement la Sévigne (80 kilomètres), passe à Jonzac, coule en bras limpides au pied du donjon de Pons, puis se traîne dans des prairies marécageuses.

À Taillebourg, la Charente passe entre un escarpement qui portait de fières tours féodales, et de larges prairies où saint Louis battit les Anglais. Au-dessous de Taillebourg, la rivière, secouée par la marée, se trouble. À Carillon, elle rencontre une autre rivière, louche aussi après être née claire, la Boutonne (90 kilomètres), qui sort, à Chef-Boutonne, d’une belle source dont on a détruit la cascade, et traverse Saint-Jean-d’Angély.

À partir du confluent de la Boutonne, et surtout de Tonnay-Charente, où la marée, sensible depuis Saintes, monte de 5 mètres et demi, le fleuve n’est plus un sillon limpide, un ruban d’argent, une bande azurée. Ce fils des plus pures fontaines devient une fange qui marche tantôt vers l’aval, tantôt vers l’amont, suivant les heures du jour ; et sur cette boue profonde flottent des vaisseaux de guerre et de commerce. À 15 kilomètres au-dessus de l’embouchure, au milieu de marais encore malsains malgré des travaux séculaires, Rochefort, l’un de nos cinq ports militaires, peut construire à la fois 18 grands navires. Ces vaisseaux, lourds comme tous les engins de guerre, Rochefort ne saurait comment les envoyer à l’Atlantique si les marées de cet océan n’étaient pas si puissantes : car on voit des jours où la barre du fleuve n’est cachée que par 60 centimètres d’eau. D’ailleurs, lancés dans le port, ils ne sont armés qu’en rade de l’île d’Aix.

En étiage, à Saintes, la Charente roule 40 mètres cubes par seconde, et en grande crue 300. C’est donc une rivière bien réglée : d’une part, elle appartient surtout aux sols perméables ; d’autre part, les eaux d’allure irrégulière que lui envoient les roches compactes du Nontronnais et du Limousin l’atteignent rarement à ciel ouvert, et même alors ne lui arrivent que très diminuées