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ALGÉRIE.

l’idée d’opulence au mot de Tell : au début de la conquête, on crut que la terre cultivable de l’Algérie s’arrêtait aux monts de Blida ; l’on sait aujourd’hui que le Steppe aura sa nation d’alfatiers, de laboureurs, surtout de vignerons, et nous prévoyons que ce qu’on irriguera du Désert deviendra le jardin de la France.

Au septentrion l’Aurès est moins sabré qu’au flanc méridional. Il est aussi moins divers, et surtout bien moins grand, car au sud il plonge sur les fonds du Melrir, faux lac inférieur au niveau des mers, tandis qu’au nord il s’élève, tantôt avec des forêts, tantôt avec nudité, sur un plateau de 1 000 mètres d’altitude. Ce plateau, des torrents le parcourent, qui, pendant le tiers, la moitié, les trois quarts de l’année, c’est selon, sèchent dans la plaine fertile qui s’incline vers des guérahs, des sebkhas, des chotts, lagunes salées dont la plus grande, le Tharf, a 20 kilomètres de long, 10 à 15 de large, et 20 000 hectares. Le Tharf miroite sous le soleil des hauts plateaux, à 48 ou 20 kilomètres au sud-ouest d’Aïn-Beïda, ville naissante située à 800 mètres d’altitude, et à peu près à la même distance au sud du Sidi-Bouis, montagne de 1 628 mètres, escarpée, isolée. Le Guellif, l’Ank-Djemel ou Cou du Chameau, le Mzouri et le Tinsilt (ces deux derniers unis par un détroit que franchit la route de Constantine à Biskara), n’ont pas, tous réunis, une aire égale à celle du Tharf. Le Djendéli, voisin du Medracen, qui est un vieux témoin du passé numide, reçoit l’Oued-Chémora, venu des monts du Timgad (Thamu-gadis) et de Lambessa (Lambœsis).

Timgad, Lambessa, et plusieurs autres kherbet ou enchir[1] des plateaux de Cirta n’ont point de ruines romaines immenses comme le pont d’Alcantara et l’aqueduc de Remoulins ou les arènes de Nîmes ; mais elles renferment autant de restes du Peuple-Roi que n’importe quelle autre cité d’Espagne ou du midi de la France :

  1. Ces mots arabes veulent dire ruines, sites de ruines.