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GÉOGRAPHIE.

royaume des Khmers, borde le Mécong, ici rompu par beaucoup de rapides, et les rives du grand lac Tonlé-Sap. Il y a quelques siècles, le Cambodge appartenait aux Khmers, peuple qui a laissé des monuments prodigieux. La légende raconte que leur potentat courbait sous sa loi cent vingt rois et commandait à cinq millions de guerriers. Le Siam, le Cambodge, le Laos, la Cochinchine, le Tonquin tenaient dans cet empire. Les Portugais, ce tout petit peuple très grand dans l’histoire, parurent dans ce pays vers le milieu du seizième siècle : plus d’une figure cambodgienne en porte le témoignage ; l’Orient, d’ailleurs, est plein de métis lusitaniens.

De même que les alluvions de la Cochinchine, le Cambodge, sol excellent, plaine irrigable, profite plus aux Chinois qu’aux Français. Par la paresse des Cambodgiens et par l’absence des Européens, l’héritier des constructeurs de la Grande Muraille fait peu à peu du Cambodge une colonie commerciale de l’empire du Milieu. La France est loin et la Chine est près ; la France est petite et la Chine est grande ; le Tropique nous énerve, il ne fatigue point les Chinois.

Phnom-Penh[1] (30 000 habitants), sur le Mécong, a succédé comme capitale à Oudong, ville aux maisons de bambou. À une quinzaine de kilomètres des rives plates du Grand Lac, aujourd’hui en pays siamois grâce à notre condescendance, Angkor fut le siège de l’empire des Khmers. Dans une enceinte que Paris remplirait à peine, cette métropole abritait un peuple dont de puissants architectes ont consacré la grandeur : tours et murailles, immense temple bouddhiste, terrasses, palais sculptés, larges fossés, lacs artificiels, digues énormes, avenues de géants de pierre, dragons fantastiques, ce qui tient droit, ce qui s’effondre, ce que les siècles ont amassé de décombres aussitôt saisis par la forêt, Angkor fut une Athènes dont la langue ne nous a point laissé d’harmo-

  1. Le mot cambodgien Phnom veut dire montagne.