Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
FRANCE.

tares, quand dans nos Monts Français, en pleine Auvergne, au vent du nord, à l’ombre des rocs et des sapins, c’est à peine si dans quelque fondrière où le soleil ne descend jamais il reste encore assez de frimas pour dresser un homme de neige.

Ces glaciers, ces névés font des torrents louches qui s’écroulent de roc en roc jusqu’au lac dont ils sortent purs ; ainsi naissent, ainsi grandissent les plus nobles rivières de l’Europe, le Rhône, l’Aar, le Rhin, l’Inn, le Tessin ; et trois mers, l’Atlantique, la Méditerranée, le Pont-Euxin, boivent aux lacs de la Blanche Montagne.

Si trois mers se disputent l’éternel hiver des Alpes, cinq langues sonnent dans leurs vallées, le français, l’allemand, l’italien, le roumanche, le slave ; et cinq pays, la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, ont leur part de ce prodigieux château d’eau dont les rocs, les pics, les gorges, les cirques, les chaos, les glaciers, les névés, les lacs, les forêts ont ensemble environ 25 millions d’hectares, qu’il faudrait dix vies d’hommes pour connaître et pour admirer.

La part de la France est grande et belle.


2o Le Mont-Blanc. — Il y a vingt ans, la tête de nos Alpes, et en même temps de toute la France, était la Barre-des-Écrins, dans le Pelvoux de Vallouise, en Dauphiné. L’accession de la Savoie nous a valu des pics supérieurs à 4 000 mètres, et parmi eux le Mont-Blanc, qui dépasse le Pelvoux de 707 mètres.

Le Mont-Blanc, en Savoie, sur les frontières de la Suisse et de l’Italie, est le prince des Alpes, le pic majeur de la France et même de l’Europe : pour monter plus haut, il faut aller jusqu’au Caucase. Il a été gravi pour la première fois en 1786 par un pâtre du val de Chamonix, après avoir passé longtemps pour inaccessible. Aujourd’hui, des gens de tout peuple en font l’ascension, hommes, femmes, en été, même en hiver, avec quelque danger et beaucoup de peine à cause du mal de montagne,