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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

dans la solitude, ma force et le calme de mon esprit.

Sans trop savoir où me conduisaient mes pas, j’étais sorti de la ville bruyante, et je me dirigeais vers les grandes montagnes dont je voyais le profil denteler le bout de l’horizon.

Je marchais devant moi, suivant les chemins de traverse et m’arrêtant le soir devant les auberges écartées. Le son d’une voix humaine, le bruit d’un pas, me faisaient frissonner ; mais, quand je cheminais solitaire, j’écoutais avec un plaisir mélancolique le chant des oiseaux, le murmure de la rivière et les mille rumeurs échappées des grands bois.

Enfin, marchant toujours au hasard par route ou par sentier, j’arrivai à l’entrée du premier défilé de la montagne. La large plaine rayée de sillons s’arrêtait brusquement au pied des rochers et des pentes ombragées de châtaigniers. Les hautes cimes bleues aperçues de loin avaient disparu derrière des sommets moins hauts, mais plus rapprochés. À côté de moi la rivière, qui plus bas s’étalait en une vaste nappe, se plissant sur les cailloux, coulait inclinée et rapide entre des roches lisses et