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L’ASILE.

revêtues de mousses noirâtres. Au-dessus de chaque rive, un coteau, premier contrefort des monts, dressait ses escarpements et portait sur sa tête les ruines d’une grosse tour, qui jadis fut la gardienne de la vallée. Je me sentais enfermé entre les deux murailles ; j’avais quitté la région des grandes villes, des fumées et du bruit ; derrière moi étaient restés ennemis et faux amis.

Pour la première fois depuis bien longtemps, j’éprouvai un mouvement de joie réelle. Mon pas devint plus allègre, mon regard plus assuré. Je m’arrêtai pour aspirer avec volupté l’air pur descendu de la montagne.

Dans ce pays, plus de grandes routes couvertes de cailloux, de poussière ou de boue ; maintenant j’ai quitté les basses plaines, je suis dans la montagne non encore asservie ! Un sentier, tracé par les pas des chèvres et des bergers, se détache du cheminot plus large qui suit le fond de la vallée et monte obliquement sur le flanc des hauteurs. C’est la route que je prends pour être bien sûr d’être enfin seul.

M’élevant à chaque pas, je vois se rapetis-