Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
L’AVALANCHE.

rigent tous les petits filets de neige fondue, ne suffisent plus à renfermer la masse liquide ; les enveloppes glacées se rompent, les bassins débordent, et l’eau cherche à se creuser un chemin sous les neiges. Dans chaque ravin, dans chaque dépression du sol, se fait ce travail caché, et le torrent de la vallée, alimenté par tous ces ruisselets descendus des hauteurs, reprend son cours qu’avait interrompu le froid de l’hiver. D’abord, il passe en tunnel au-dessous des neiges amoncelées ; puis, grâce aux progrès incessants de la fusion, il élargit son lit, exhausse ses voûtes. Le moment vient où la masse qui le domine ne peut plus se soutenir en entier ; elle s’écroule comme le ferait le toit d’un temple dont les piliers sont ébranlés. Des fuites s’ouvrent ainsi dans les amas neigeux qui remplissent le fond des vallées ; quand on se penche au bord de ces gouffres, on distingue au fond quelque chose de noir sur lequel un peu d’écume brode une dentelle fugitive : c’est l’eau du torrent ; le sourd murmure des cailloux entre-froissés jaillit de l’ouverture ténébreuse.

À ce premier effondrement des neiges en