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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

succèdent d’autres, de plus en plus nombreux, et bientôt le torrent, redevenu libre en grande partie, n’a plus qu’à renverser les digues formées par les neiges les plus épaisses et les plus compactes. Quelques-uns de ces remparts résistent à l’action des eaux pendant des semaines et des mois. Même aux abords des cascades, des masses de neige, changées en glace et sans cesse aspergées par l’eau qui se brise, gardent obstinément leur forme ; on dirait qu’elles se refusent à fondre. Souvent on voit, au devant de la cataracte mouvante du torrent, une sorte d’écran formé par une cataracte solidifiée, celle des neiges glacées qui avaient arrêté le cours des eaux pendant l’hiver.

En reformant son lit dans chaque vallée qui longe la base des monts, dans chaque ravin qui raye leurs flancs, l’eau des ruisseaux et des torrents enlève aux neiges des pentes les soubassements qui leur servaient de point d’appui. Sous l’action de la pesanteur, des avalanches tendent alors à se produire, et, de temps en temps, la montagne, comme un être animé, fait tomber de ses épaules le vêtement