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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

et la vallée se trouve en partie comblée. Les torrents qui viennent se heurter contre l’obstacle sont obligés de se changer temporairement en lacs.

De ces avalanches en masse, les montagnards et les voyageurs ne parlent qu’avec terreur. Aussi, nombre de vallées, plus exposées que d’autres, ont-elles reçu, dans les patois locaux, des noms sinistres, tels que « Val-de-l’Épouvante » ou « Gorge-du-Tremblement. » J’en connais une, terrible entre toutes, où les muletiers ne s’aventurent jamais sans avoir l’œil fixé sur les hauteurs. Surtout par ces beaux jours de printemps, lorsque l’atmosphère tiède et douce est chargée de vapeurs dissoutes, les voyageurs ont le regard soucieux et la parole brève. Ils savent que l’avalanche attend simplement un choc, un frémissement de l’air ou du sol, pour se mettre en mouvement. Aussi marchent-ils comme des larrons, à pas discrets et rapides ; parfois même, ils enveloppent de paille les grelots de leurs mulets, afin que le tintement du métal n’aille pas irriter là-haut le mauvais génie qui les menace. Enfin, quand ils ont passé l’issue