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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

fond, que la pente en soit presque insensible ou bien qu’il forme une succession de précipices.

Toutefois, la glace, n’ayant pas la souplesse, la fluidité de l’eau, accomplit avec une sorte de gaucherie barbare tous les mouvements que lui impose la nature du sol. À ses cataractes, elle ne sait point plonger en une nappe unie comme le courant d’eau ; mais, suivant les inégalités du fond et la cohésion des cristaux de glace, elle se brise, se fendille, se découpe en blocs qui s’inclinent diversement, s’écroulent les uns sur les autres, se ressoudent en obélisques bizarres, en tourelles, en groupes fantastiques. Même là où le fond de l’immense rainure est assez régulièrement incliné, la surface du glacier ne ressemble point à la nappe égale des eaux d’un fleuve. Le frottement de la glace contre ses bords ne la ride pas de vaguelettes semblables à celles de l’onde sur le rivage, mais il la brise et la rebrise en crevasses qui s’entre-croisent en un dédale de gouffres.

En hiver, et même lorsque le printemps a déjà renouvelé la parure des campagnes infé-