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LA MORAINE ET LE TORRENT.

été les grandes alternatives du climat et les immenses modifications du relief et de l’aspect terrestres pendant les âges successifs de la planète. Dans le passé que nous révèlent ces débris, nous voyons notre montagne et ses voisines se dresser bien au-dessus de leurs sommets actuels ; les pointes suprêmes dépassaient les nuages les plus élevés, et toutes les vapeurs qui voyageaient dans l’espace venaient se déposer en neiges ou en cristaux glacés sur les pentes de l’énorme massif ; les cirques de pâturages, les vallons verdoyants, les versants aujourd’hui boisés, étaient recouverts par l’uniforme couche des glaces ; dans la vallée, cascades et lacs, ruisseaux et prairies, rien ne paraissait encore ; l’immense fleuve glacé, non moins épais que le sont maintenant les assises des monts, emplissait toutes les dépressions, puis, à son issue des gorges, allait s’étaler au loin dans les plaines par-dessus collines et vallons. Telle était, du temps de nos aïeux, l’image que leur présentait le mont chargé de glaces ; pour les arrière-petits-fils de nos fils, dans le lointain indéfini des siècles, le tableau sera changé. Peut-être le glacier, alors complète-