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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

pice de cent mètres de hauteur. Le voilà qui descend avec une rapidité vertigineuse sur la pente lisse ; mais il s’étend si bien pour offrir une plus large surface de frottement et rencontrer toutes les petites aspérités du roc, il utilise si habilement ses bras et ses jambes en guise de frein, qu’il s’arrête enfin au bord de l’abîme. Là, précisément, un ruisselet s’étale sur la pierre avant de tomber en cascade. Le voyageur avait soif. Il boit tranquillement, la face dans l’eau, avant de songer à se relever pour reprendre pied sur une roche moins périlleuse.

Le gravisseur aime d’autant plus la montagne qu’il a risqué d’y périr ; mais le sentiment du danger surmonté n’est pas la seule joie de l’ascension, surtout chez l’homme qui, pendant le courant de sa vie, a dû soutenir de fortes luttes pour faire son devoir. En dépit de lui-même, il ne peut s’empêcher de voir dans le chemin parcouru, avec ses passages difficiles, ses neiges, ses crevasses, ses obstacles de toute sorte, une image du pénible chemin de la vertu ; cette comparaison des choses matérielles et du monde moral s’impose