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LA DESTRUCTION DES CIMES.

lines distinctes. Néanmoins, même amoindri comme il l’est par le travail des siècles, tout croulant et ruiné, le plateau de débris qui s’étend à la base de la montagne suffirait pour ajouter quelques milliers de mètres à la grande cime, s’il reprenait sa position première dans les assises de la roche. « C’est en léchant les monts, dit une antique prière des Indous, que la vache céleste, c’est-à-dire la pluie des cieux, a formé les campagnes. »

Sous nos yeux mêmes se poursuit le travail de dénudation des roches avec une étonnante activité. Il est des montagnes, composées de matériaux peu cohérents, que nous voyons se fondre, se dissoudre, pour ainsi dire : des gorges se creusent dans les flancs du mont, des brèches s’ouvrent au milieu de la crête ; ravinée par les avalanches et par les eaux d’orage, la grande masse, naguère une et solitaire, se divise peu à peu en deux cimes distinctes, qui semblent s’éloigner l’une de l’autre à mesure que le gouffre de séparation est plus profondément fouillé.

Au printemps surtout, alors que le sol a été détrempé par les neiges fondantes, les éboulis,