Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/138

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de gouttelettes qui s’élancent dans l’espace en brouillards et s’irisent au soleil. Parfois aussi, enfermé sous la gerbe plongeante, il y entraîne avec lui des nappes écumeuses que l’on voit à travers le flot bleu s’agiter le long du rocher comme des spectres blanchâtres. Bien loin encore en avant de la chute continue le bouillonnement du ruisseau. De chaque côté tournoient de violents remous au fond desquels s’entre-choquent des pierres, creusant pour les âges futurs des « marmites de géants ». Sous la pression de l’orage qui la poursuit, l’eau toute blanche et pétillante s’enfuit dans le canal ; toutefois, elle se ralentit peu à peu, elle prend une nuance d’un bleu laiteux comme celle de l’opale, puis elle n’offre plus que de légères stries d’écume et bientôt elle retrouve son calme et son azur. Rien ne rappelle plus la chute soudaine du ruisseau, si ce n’est la fumée de gouttelettes que l’on voit briller au loin sur la masse croulante et le mugissement continu qui fait vibrer l’atmosphère.